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100 milliards pour la défense : comment Bercy veut séduire votre épargne sans la confisquer

Mobiliser l'épargne des Français pour financer la défense : Bercy clarifie sa stratégie et promet l'absence de mesures coercitives.

Alexia JacquardPublié le Mis à jour le
100 milliards pour la défense : comment Bercy veut séduire votre épargne sans la confisquer

Après une polémique déclenchée par ses propos sur la "mobilisation de l'épargne privée", le ministre de l'Économie Éric Lombard a dû clarifier sa position : aucune confiscation d'épargne n'est envisagée. À l'approche d'une réunion cruciale le 20 mars à Bercy, découvrez comment le gouvernement compte financer les 100 milliards d'euros nécessaires à notre défense d'ici 2029, tout en préservant le libre choix des épargnants et sans compromettre notre modèle social.

Résumé : 

  • Éric Lombard avait annoncé vouloir "mobiliser l'épargne privée" pour financer l'effort de défense, suscitant des craintes de confiscation

  • Le ministre a dû clarifier ses propos: "Les Français feront ce qu'ils voudront de leur épargne"

  • Pas de création d'un livret d'épargne dédié à la défense, mais utilisation des outils d'épargne existants

  • Une réunion cruciale se tiendra le 20 mars à Bercy avec investisseurs et entreprises du secteur de la défense

  • L'effort budgétaire global est estimé à 100 milliards d'euros d'ici 2029, dont 35 milliards dès 2026

C'est une petite phrase qui a déclenché une tempête médiatique. Le 12 mars 2025, lors de la séance de questions au gouvernement au Sénat, le ministre de l'Économie Éric Lombard annonçait vouloir "mobiliser l'épargne privée" pour "financer notre effort de défense qui va s'accroître". Une déclaration apparemment anodine, mais qui a immédiatement provoqué une onde de choc dans l'opinion publique.. En quelques heures, les réseaux sociaux s'enflammaient et de nombreux épargnants français exprimaient leurs craintes d'une possible confiscation de leurs économies par l'État, ravivant le souvenir de mesures d'exception prises lors de périodes de crise historiques.

Face à cette controverse qui prenait de l'ampleur, le ministre a dû rapidement monter au créneau pour clarifier ses intentions et rassurer les Français. Un exercice de communication délicat qui illustre parfaitement les défis du gouvernement : comment financer un effort de défense sans précédent dans un contexte budgétaire déjà tendu, tout en préservant la confiance des citoyens ? Entre nécessité stratégique et sensibilité politique, la question du financement de notre sécurité nationale révèle les dilemmes d'un État pris entre de multiples contraintes.

De la rumeur à la mise au point : chronologie d'une controverse financière

L'annonce initiale d'Éric Lombard a rapidement été interprétée par certains internautes comme un signal que l'État pourrait "piquer" dans l'épargne des Français. Une rumeur qui s'est propagée comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux, contraignant le ministère de l'Économie à réagir promptement.

Dès le lendemain, Bercy a formellement démenti cette interprétation auprès de l'AFP Factuel, assurant qu'il était :

Hors de question de confisquer l'épargne de qui que ce soit. 

Une position juridiquement incontestable, puisque selon plusieurs experts consultés par l'AFP, une telle appropriation de l'épargne privée par l'État serait tout simplement illégale.

Pour éteindre définitivement l'incendie médiatique, Éric Lombard est intervenu personnellement sur France 2 le vendredi 14 mars.

Les Français feront ce qu'ils voudront de leur épargne.

A-t-il martelé, avant de préciser : 

"Nous voulons convaincre les Français qui le souhaitent d'investir dans notre économie de guerre, ça sera leur choix"

Un message limpide pour apaiser les épargnants inquiets : l'État ne contraindra personne à participer au financement de la défense nationale.

Les points clés de la controverse :

  • Déclaration initiale au Sénat le 12 mars 2025

  • Interprétation erronée sur les réseaux sociaux

  • Démenti formel du ministère de l'Économie

  • Intervention télévisée d'Éric Lombard le 14 mars

  • Confirmation du caractère volontaire de toute participation

Dans cette même logique de transparence et d'apaisement, le gouverneur de la Banque de France est également intervenu pour "remettre les pendules à l'heure", soulignant que le financement de l'effort de défense relève "in fine du financement public et pas de l'épargne privée". Une façon de minimiser l'importance du recours à l'épargne des particuliers dans la stratégie globale de financement.

Les mécanismes envisagés pour financer l'effort de défense

Contrairement aux spéculations de certains commentateurs, le gouvernement écarte l'idée de lancer un nouveau livret d'épargne spécifiquement consacré à la défense. Le ministre de l'Économie a clairement exprimé ses doutes quant à la pertinence d'un tel dispositif, estimant que l'arsenal d'outils d'épargne actuellement disponible suffit amplement.

Éric Lombard mise plutôt sur les véhicules d'investissement existants, qu'il s'agisse des fonds du Livret A ou de ceux gérés par les institutions financières comme les banques, assureurs et gestionnaires d'actifs. Cette stratégie pragmatique permet d'éviter la création d'un nouvel instrument financier tout en tirant parti des infrastructures déjà en place.

Bercy souligne d'ailleurs que le système actuel a fait ses preuves : les sommes placées sur le Livret A servent notamment à financer des projets d'intérêt général comme le logement social et le renouvellement urbain. Cette expérience démontre que les mécanismes de fléchage de l'épargne vers des priorités nationales fonctionnent déjà efficacement et pourraient être adaptés aux besoins de la défense.

Véhicule d'épargne

Utilisation actuelle

Utilisation potentielle pour la défense

Livret A

Logement social, renouvellement urbain

Financement partiel des projets de défense

Fonds bancaires

Investissements divers

Prêts aux entreprises du secteur de la défense

Assurance-vie

Placements à long terme

Obligations d'État dédiées à la défense

Fonds d'investissement

Actions, obligations

Participation dans des industries stratégiques

Au-delà du simple financement des équipements militaires, cette mobilisation de l'épargne privée poursuit un objectif plus large, Éric Lombard a souligné : 

Cet effort doit aussi permettre de consolider notre industrie et de soutenir le rapatriement des filières industrielles en France et en Europe.

Un argument susceptible de séduire les épargnants sensibles à la réindustrialisation du pays et à la souveraineté économique.

Défense nationale : le grand rendez-vous des investisseurs privés à Bercy

Point d'orgue de cette stratégie de financement, une réunion déterminante se tiendra le 20 mars 2025 à Bercy. Éric Lombard et le ministre des Armées Sébastien Lecornu y accueilleront des investisseurs privés et des entreprises du secteur de la défense pour concrétiser cette nouvelle approche.

Cette rencontre au sommet a pour objectif d'établir avec précision les besoins d'investissement nécessaires pour garantir la paix, selon les explications du ministre de l'Économie. À travers ce vocabulaire soigneusement choisi, Lombard met en avant la dimension pacifique de l'effort militaire tout en soulignant son caractère indispensable dans le contexte géopolitique actuel.

Le discours adressé aux investisseurs potentiels s'articule autour d'un impératif de sécurité collective. Il ne s'agit pas simplement d'une opportunité financière, mais d'une contribution directe à la protection du territoire national et européen. Cette rhétorique élève le débat au-delà des considérations purement économiques pour l'inscrire dans une perspective de responsabilité patriotique et continentale.

Ce projet bénéficie d'un soutien institutionnel au plus haut niveau. Le ministre de l'Économie a pris soin de mentionner sa collaboration étroite avec le ministre des Armées, le président de la République et le Premier ministre sur ce dossier. Cette référence aux plus hautes autorités de l'État confère une légitimité supplémentaire à l'initiative et souligne l'importance déterminante accordée à cette question stratégique du financement de la défense nationale.

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Entre défense nationale et équilibre budgétaire : le grand écart de Bercy

Si le gouvernement cherche à mobiliser l'épargne privée, c'est aussi parce que l'effort budgétaire à fournir s'avère considérable. Selon les prévisions, 50 milliards d'euros sont déjà prévus dans le budget 2025, avant même de comptabiliser les dépenses militaires supplémentaires.

Pour atteindre l'objectif d'un déficit public inférieur à 3% du PIB en 2029, Éric Lombard estime que l'effort annuel devra être "de l'ordre de 40 milliards d'euros par an entre les dépenses et les recettes". Un chiffre déjà imposant, mais qui pourrait être sous-estimé.

En effet, une note de la Direction générale du Trésor datée de fin février et citée par plusieurs médias évalue l'effort total nécessaire à 100 milliards d'euros d'ici 2029, dont 35 milliards dès 2026. Des montants colossaux qui expliquent pourquoi le gouvernement cherche à diversifier ses sources de financement.

Pour 2025, la situation budgétaire apparaît déjà tendue. Le même document du Trésor estime que l'objectif d'un déficit à 5,4% est exposé à "un risque haussier" et nécessite de documenter 5 milliards d'économies supplémentaires via des "efforts en gestion" en cours d'année. Par ailleurs, les rentrées fiscales pourraient se révéler plus faibles qu'anticipé, générant "un risque estimé à environ 5 milliards".

Face à ces contraintes, la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, a reconnu l'ampleur du défi : 

Il faut que le budget qui a été voté soit bien le budget exécuté et qu'on réduise ces aléas.

 Et d'ajouter avec lucidité : 

Si vous ne faites pas les économies que vous avez annoncées, vous aurez du mal à tenir votre cible de déficit.

Une mise en garde qui souligne les tensions budgétaires auxquelles le gouvernement est confronté.

Dans ce contexte budgétaire délicat, le ministre de l'Économie a défini des limites claires à respecter malgré l'importance de l'effort de défense. Il refuse catégoriquement d'alourdir la dette publique ou de compromettre le modèle social français pour financer ce projet. Le gouvernement maintient par ailleurs son engagement envers la transition écologique, qui demeure une priorité nationale incontournable malgré les nouvelles exigences sécuritaires.

La démarche présentée par Lombard révèle toute la complexité de l'équation à résoudre pour l'exécutif : renforcer significativement l'appareil militaire français face aux tensions géopolitiques, tout en préservant la santé financière de l'État et en poursuivant les autres chantiers essentiels comme la transition environnementale et la protection du système social. Un défi qui relève presque de la quadrature du cercle.

En privilégiant une sollicitation volontaire de l'épargne privée plutôt qu'un mécanisme contraignant, le gouvernement s'inscrit dans une logique respectueuse de la liberté individuelle des épargnants. La question demeure néanmoins de savoir si cette approche fondée sur le volontariat et le patriotisme économique permettra de mobiliser des ressources suffisantes pour financer l'ambition défensive française. La réunion prévue le 20 mars à Bercy constituera la première épreuve de vérité pour évaluer la faisabilité de ce modèle de financement.

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